Dernier jour 11h15

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La voix du nord, Roubaix, aujourd'hui, 11h15. Une femme de 45 ans qui avait entrepris d'avoir des rapports sexuels avec son chien labrador dont elle avait modifié le système de contrôle neuronal à l'aide d'une télécommande trafiquée est décédée à l'hôpital. Un pompier a déclaré : « le cœur du chien était trop endurant, elle n'a pas tenu le coup.». On se souvient comment l'apparition des « jockeys électroniques » avait révolutionné le monde des courses, entraînant une scission entre les aficionados des courses modernes à haute performance, accusés de transformer le cheval en robot, et les amoureux nostalgiques des courses à l'ancienne. Le même système, à l'origine mis au point pour les chiens militaires, avait fait fureur chez les propriétaires de canidés mal dressés qui en avaient assez de se ridiculiser à courir après leur bête en criant leur nom. On aurait pu croire que ce système n'avait que des avantages, jusqu'à ce que commencent à apparaître sur Internet des kits pirates permettant de transformer son toutou en chien d'attaque avec à la clé les drames que nous relatons quotidiennement dans ces colonnes. Voici donc que commence à sévir un autre type de détournement de ces engins pourtant si pratiques.

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Ada prit le téléphone à l'aspect archaïque que Lise lui avait confié, elle sélectionna le seul item que le répertoire contenait. À sa grande surprise, on décrocha aussitôt.

— Oui ? fit la voix autoritaire de Morgan.

— Bonjours. C'est Ada. Lise m'a demandé de vous appeler.

— Bonjours Ada. Écoute, en premier lieu, il est très important que nous n'utilisions pas ce canal de communication à mauvais escient. Est-ce que tu comprends ce que je veux dire ?

— Oui, je comprends très bien.

— Bien. Passons au point critique : est-ce que tu l'as retrouvé ?

— Oui.

— Excellent. Je ne veux pas en savoir plus. Par contre, il faudra que je sache où vous serez pour venir vous chercher. Ce sera dans quelques heures. Je ne peux pas te donner plus de précision à ce stade. C'est clair ?

— Très clair.

— OK. Afin de passer vous prendre, il faudra trouver un endroit sans obstacles.

Ada fronça les sourcils.

— Je ne suis pas certaine de comprendre.

— Je sais, c'est un petit peu énervant de jouer aux charades... Ada, je vais avoir besoin d'un peu de place, un endroit dégagé, surtout avec cette météo. Et en milieu urbain, ce n'est pas facile à trouver. Tu vois ce que je veux dire ? Ada avait pensé tout de suite à un hélicoptère, mais elle ne parvenait pas à comprendre par quelle logique un pilote de navette spatiale pouvait se retrouver aux commandes d'un hélicoptère à cinquante kilomètres de sa base.

— Je crois que je vois.

— Très bien. La meilleure solution est que vous soyez dans la voiture et je vous indiquerai le lieu précis du rendez-vous au dernier moment. OK ?

— Euh... il m'a dit qu'il fallait que j'abandonne la voiture dès que possible.

— OK. Je vois. Il a raison. Ça ne change pas l'essentiel. On se débrouillera. D'autres questions ?

— Oui, je voudrais savoir... où on ira ?

— Ada... ça devient un peu limite. Laisse-moi réfléchir.

Il y eut un long silence, les mains d'Ada se mirent à trembler.

« Est-ce que tu te souviens de la première fois que nous nous sommes vus ? demanda finalement Morgan.

— Oui, je m'en souviens très bien.

— Ce serait ça l'idée, un endroit de ce genre, peut-être pas exactement ni celui-là, ni exactement sur place, mais c'est l'idée, tu vois ?

Le cœur d'Ada s'était mis à battre très fort : la dernière aire d'autoroute avant le désert. Des larmes vinrent dans ses yeux. Ces stations au milieu de rien étaient en dehors du périmètre de sécurité d'Almogar ! Ensuite, il leur faudrait trouver un véhicule. Sûrement, un chauffeur accepterait du cash. Elle répondit à Morgan :

— Oh ! Déjà, se sortir de la ville, ce serait fantastique.

— Je ne suis pas certaine que ce soit fantastique, mais c'est ce que je peux faire. Ensuite, ce sera à vous de jouer. D'accord ?

— Oui, oui, on y arrivera. Merci.

— Ne me remercie pas avant qu'on en soit là.